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Les chefs d’entreprise, dans l’optique d’impliquer leurs salariés dans le développement de leur entreprise, peuvent décider de créer des dispositifs incitatifs tels que les « management package », terme désignant l’ensemble des instruments financiers (actions, bons de souscription d’actions, etc.) souscrits …
Les chefs d’entreprise, dans l’optique d’impliquer leurs salariés dans le développement de leur entreprise, peuvent décider de créer des dispositifs incitatifs tels que les « management package », terme désignant l’ensemble des instruments financiers (actions, bons de souscription d’actions, etc.) souscrits par les principaux managers et les salariés d’un groupe leur permettant de « capter » une partie de la plus-value lors de la revente dudit groupe.
Outre l’aspect « entrepreneurial » de la démarche, permettant « aux salariés de se faire capitalistes[1]», l’attrait de ces mécanismes réside dans le traitement fiscal et social des plus-values généralement plus favorable que celui réservé au salaire. En effet :
- D’un point de vue fiscal, le salaire est taxé intégralement au barème de l’impôt sur le revenu (dont la tranche marginale d’imposition est fixée à 45%) dans la catégorie des traitements et salaires. La plus-value, quant à elle, voit sa taxation en principe limitée à 30% (12,8% pour l’impôt sur le revenu et 17,2% pour les prélèvements sociaux)[2] sur une assiette imposable limitée, par définition, au seul accroissement de valeur des titres pris depuis la date de leur acquisition.
- D’un point de vue social, le salaire est soumis aux cotisations sociales et patronales. La plus-value, quant à elle, n’est pas en principe soumise à ces prélèvements.
Face à cette tendance au relatif allègement des prélèvements obligatoires sur les plus-values, les administrations fiscales et sociales cherchent, depuis une dizaine d’années, à obtenir des tribunaux la requalification des plus-values réalisées en salaires. L’enjeu réside, bien évidemment, dans la soumission des gains réalisés aux régimes fiscaux et sociaux applicables aux salaires, beaucoup plus coûteux en prélèvements obligatoires.
Cette « bataille » entre contribuables et administrations autour de la requalification du gain perçu est d’autant plus âpre que le droit fiscal et le droit de la sécurité sociale ne définissent pas clairement le concept de « salaire »[3], laissant un vide conceptuel quant à la qualification des sommes perçues par un salarié particulièrement préjudiciable à la sécurisation des schémas de « management package ». En effet, faute de critère précis, les tribunaux ont dû statuer sur la délimitation de la frontière entre salaire et plus-value dans plusieurs affaires. Force est de constater que juge fiscal (1) et juge social (2) n’appréhendent pas cette problématique de manière identique.
1.
Il ressort de la jurisprudence fiscale récente que, d’une part, le juge fiscal retient comme critère le risque capitalistique[4] pour distinguer un salaire d’une plus-value et que, d’autre part, l’existence d’un contrat de travail ne suffit pas à qualifier un gain réalisé en salaire[5].
Cependant, le risque capitalistique ne se déduit pas de la seule souscription de titres du capital d’une société. Les propos de Messieurs Turot, Jeausserand, et Audouard[6], semblent résumer l’état actuel de la jurisprudence : « Quel que soit l’instrument utilisé pour associer les salariés et dirigeants, nous pensons que la seule grille d’analyse qui puisse être de portée générale pour décider du régime fiscal d’un management package est la suivante : l’acquisition de titres de capital, ou d’outils donnant accès au capital, par un salarié ou un dirigeant, s’est-elle faite à des conditions normales, notamment le prix de souscription de ces outils correspond-il à leur prix de marché (tel que déterminé par un expert le cas échéant) ? Si la réponse à cette question est positive, le gain bénéficie du régime fiscal des plus-values de cession de valeurs mobilières. Si elle est négative, notamment si le prix d’acquisition de ces outils est inférieur à leur valeur réelle, le gain réalisé peut être requalifié, soit en distribution occulte ou en BNC, soit en salaires s’il trouve sa source dans le contrat de travail ou le mandat social exercé par le bénéficiaire. »
2.
Si la jurisprudence fiscale semble être relativement stabilisée, les inquiétudes semblent venir de la jurisprudence sociale. Dans certains cas, le juge social qualifie les plus-values réalisées lors d’une cession par un contribuable d’avantage alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail, et par suite, les réintègre dans l’assiette des cotisations sociales.
Le juge social déduit l’existence d’un avantage, assimilable à un salaire, du lien entre la qualité de salarié et la souscription des titres cédés, le salarié n’ayant pu souscrire les titres « que parce qu’il était salarié de l’entreprise. » [1]. Dans cette affaire, le juge social, contrairement au juge fiscal, n’a vérifié ni l’existence d’un risque capitalistique, ni l’existence de conditions préférentielles lors de la souscription. Dans une autre affaire[2], le juge social a estimé qu’en présence d’un avantage consenti en contrepartie ou à l’occasion du travail, l’existence d’un risque capitalistique n’était pas un élément permettant de faire échapper les gains à la qualification de salaires et l’assujettissement de ces derniers aux cotisations sociales.
Toute récente, la jurisprudence sociale n’est pas fixée. Toutefois, il existe à l’heure actuelle une divergence de grille d’analyse entre juge fiscal et juge social concernant la distinction entre salaire et plus-value préjudiciable à la sécurisation des schémas de « management package ».
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[1] CA Douai, 31 mai 2017, n°14/03902
[2] CA Paris, 6 juillet 2017, n°14/02741
[1] Turot, Jeausserand, Audouard, Revue fiscale notariale, n°2, janvier 2015
[2] Sous certaines conditions, la plus-value peut, sur option, être soumise au barème de l’impôt sur le revenu. Des abattements sur la plus-value brute peuvent, par le gain d’assiette qu’ils confèrent, rendre plus intéressant l’option de l’assujettissement de la plus-value à l’impôt sur le revenu.
[3] D’un point de vue fiscal : article 79 du Code général des impôts (CGI) et BOI-RSA-CHAMP-10, 12-9-2012. ; d’un point de vue social, article L 242-1 du Code de la sécurité sociale.
[4] CAA Versailles, 26 janvier 2017, n°14VE02824
[5] CE, 7 novembre 2008, n°301642
[6] Turot, Jeausserand, Audouard, Revue fiscale notariale, n°2, janvier 2015
Laurent SIMONNET, Service Ingénierie Patrimoniale