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Et si, en présence d’une loi ambigüe ou obscure, l’interprétation qu’en ferait l’administration fiscale ne pouvait être remise en cause par le juge ?


Et si, en présence d’une loi ambigüe ou obscure, l’interprétation qu’en ferait l’administration fiscale ne pouvait être remise en cause par le juge ?

En principe, une telle situation est impossible – pour le moment – en France : les commentaires administratifs (Bofip) qui ajoutent à la loi fiscale, dont ils ont seulement pour objet d’éclairer la portée, sont considérés comme pris par une autorité incompétente et doivent être annulés.

Curieusement, une telle situation était possible aux États-Unis – sous certaines conditions – jusqu’au 28 juin 2024, date à laquelle la Cour suprême américaine a mis fin à la jurisprudence « Chevron ». Cet arrêt, consacrant la « Chevron deference », restreignait considérablement les pouvoirs d’interprétation du juge. En effet, les agences fédérales américaines (notamment l’IRS, l’administration fiscale fédérale) pouvaient, en présence d’une loi ambigüe, émettre une interprétation de ladite loi qui, si cette interprétation était « raisonnable » ou « autorisée », ne pouvait être remise en cause par le juge.

L’arrêt « Loper Bright », abondamment commenté outre-Atlantique, vient mettre fin à cette pratique. Le moins que l’on puisse dire est que la plume du juge Roberts, rédacteur de l’arrêt, est particulièrement acérée : « les autorités administratives n’ont aucune compétence pour résoudre les problèmes inhérents à l’ambiguïté d’une loi. Seuls les tribunaux ont cette compétence ».

L’arrêt est riche d’enseignements. Tentons d’en isoler quelques-uns :

Premièrement, la Cour affirme explicitement que la distinction entre texte clair et texte obscur est « unworkable », c’est-à-dire insusceptible de fonder une règle permettant de répartir efficacement les compétences entre les autorités administratives et les tribunaux. C’est un petit coup de griffe à notre Conseil d’État, qui consacre de longue date cette distinction comme une pierre angulaire de sa jurisprudence.

Deuxièmement, la Cour réalise un bel exercice d’honnêteté intellectuelle en reconnaissant que lorsqu’un précédent jurisprudentiel est perclus d’incohérences, le nombre de rustines qu’on lui appose ne change rien à l’affaire : il doit être abandonné. En effet, l’arrêt prend le temps d’énoncer le nombre de contorsions que la Cour a dû réaliser pour sauver le soldat « Chevron », montrant par là-même la fragilité de sa propre construction intellectuelle. Une source d’inspiration, au regard du caractère byzantin de la jurisprudence actuelle sur l’abus de droit fiscal ? 

Troisièmement, la « Chevron deference » violait la séparation des pouvoirs, en transférant le pouvoir d’interpréter les lois, prérogative naturelle du pouvoir juridictionnel, à l’exécutif. Sous cet angle, l’arrêt serait une bonne nouvelle pour le système démocratique américain.

En définitive, l’intérêt pratique de « Chevron » était de limiter les contentieux. Les américains étant un « peuple de plaideurs », leurs avocats fiscalistes ne devraient désormais pas manquer de travail …

https://www.supremecourt.gov/opinions/23pdf/22-451_7m58.pdf

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