Le démembrement de propriété, formidable outil de gestion de patrimoine, peut être subi ou choisi… Deux modes de valorisation se confrontent…l’évaluation fiscale et l’évaluation économique. Le premier mode est certes simpliste et facile à calculer, il n’en demeure pas point qu’il n’est pas réaliste pour ne pas dire aberrant ! Cependant, il est obligatoire de l’utiliser dès que des droits de mutation sont dus (droits de succession, droit de donation….).
Cependant, il semble que cette évaluation fiscale est souvent sur-utilisée au détriment de l’évaluation économique nettement plus équitable pour les partis.
L’évaluation économique est la méthode d’actualisation des flux de revenus futurs. La valeur d’un bien est égale à la somme actualisée de revenus que ce bien procurera dans le futur.
Deux facteurs jouent un rôle décisif dans l’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété :
– la durée de l’usufruit d’une part (temporaire ou viager),
– le flux des revenus futurs d’autre part.
L’usufruit à durée fixe dit “usufruit temporaire” a une durée connue (max 30 ans s’il bénéficie à une personne morale). L’usufruit viager profite à une personne physique et il est le plus souvent établi pour une période équivalente à son espérance de vie au regard des tables de mortalité.
NB : En cas d’usufruit successif, l’usufruit repose sur la vie de 2 personnes. Il ne prendra fin qu’au décès du dernier vivant des deux.
Le deuxième facteur déterminant de la valeur des droits démembrés est le montant des revenus à percevoir dans le futur. Il est tenu compte des revenus nets, déduction faite des charges « usufructuaires », que l’usufruitier doit légalement supporter (article 605 et suivants du Code civil), constituées des réparations d’entretien, assurances dommages, charges de copropriété, impôts fonciers, provision annuelle pour travaux d’entretien, etc.… .
La valeur de l’usufruit est d’autant plus importante que le rendement du bien « démembré » est élevé (voir tableau ci-après, source Fidroit).
Usufruitier : un homme
Âge | 3 % | 4 % | 5 % | 6 % |
50 ans | 56,24 % | 66,59 % | 74,44 % | 80,39 % |
60 ans | 44,51 % | 54,23 % | 62,18 % | 68,69 % |
70 ans | 31,88 % | 39,91 % | 46,94 % | 53,08 % |
80 ans | 19,57 % | 25,10 % | 30,20 % | 34,91 % |
90 ans | 10,57 % | 13,77 % | 16,84 % | 19,76 % |
Usufruitier : une femme
Âge | 3 % | 4 % | 5 % | 6 % |
50 ans | 63,52 % | 73,76 % | 81,07 % | 86,30 % |
60 ans | 52,43 % | 62,69 % | 70,67 % | 76,89 % |
70 ans | 38,90 % | 47,99 % | 55,66 % | 62,14 % |
80 ans | 24,14 % | 30,69 % | 36,63 % | 42,00 % |
90 ans | 12,14 % | 15,78 % | 19,24 % | 22,52 % |
Les écarts de valeur sont évidemment très significatifs. On constate que pour un âge identique plus la rentabilité est élevée plus, bien évidemment, l’usufruit est fort et la nue-propriété est faible (les chiffres entre hommes et femmes diffèrent du fait de l’espérance de vie plus importante de ces dernières).
L’évaluation économique de ces droits constitue une base équitable de négociation
Bien sur, je rappelle que si les partis peuvent librement négocier ces valeurs à partir de l’évaluation économique, le législateur fiscal a cependant précisé que pour la détermination des bases taxables aux droits de mutation tant à titre gratuit qu’à titre onéreux, et quel que soit le résultat des arrangements privés entre usufruitier et nu-propriétaire, il faudra recourir au barème contenu à l’article 669 du CGI…l’évaluation fiscale.
Guillaume SEREAUD
Actualité patrimoniale en bref…
ASSURANCE VIE : Inopposabilité de la prescription biennale en cas de défaut d’information sur ce délai : La Cour de Cassation estime que “l’inobservation des dispositions de l’article R. 112-1 du code des assurances, prescrivant le rappel des dispositions légales concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance, est sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du même code et que cette interprétation de la modification de la loi du 4 janvier 1994 n’est pas contraire aux dispositions de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni au principe de sécurité juridique, dès lors que cette obligation d’information s’inscrit dans le devoir général d’information de l’assureur qui lui impose de porter à la connaissance des assurés une disposition qui est commune à tous les contrats d’assurance, la cour d’appel, par une décision motivée, a exactement décidé que la prescription biennale était inopposable à l’assuré.”
La tendance à l’expatriation fiscale se poursuit : A Genève, les avocats fiscalistes et banquiers privés confirment ainsi un flux de “migrants” important en provenance de France. Mieux, certains contribuables optent pour des destinations plus lointaines, notamment l’Ile Maurice et même Hong Kong. Un banquier suisse précise que le secret bancaire est davantage protégé à la frontière de la Chine. Un autre banquier privé, installé dans l’Ouest de la France, avoue avoir perdu en l’espace d’un an trois chefs d’entreprise ayant cédé leurs affaires récemment pour s’installer définitivement sur cette île qui a fait de sa fiscalité l’un de ses attraits.
ISF : L’avantage fiscal lors de l’investissement dans les PME sera réduit : Dans l’hypothèse d’un aménagement de l’ISF, Bercy reconnait que si le barème de l’ISF était allégé, il n’y aurait donc pas forcément lieu de maintenir un avantage fiscal aussi important pour les ménages. Il a déjà été ramené de 75 % à 50 % cette année, mais il devrait être encore réduit pour se rapprocher de l’avantage Madelin, qui permet de réduire l’impôt sur le revenu à hauteur de 22 % du capital investi. L’abrogation de l’ISF, quant à elle, entraînerait de facto la suppression du dispositif. Cependant, ce point de vue est loin de faire consensus.
ISF : Pas de distinction entre patrimoine et patrimoine immédiatement réalisable : Une Cour d’Appel indique que la valeur de rachat de contrats d’assurance-vie ne doit pas être incluse dans l’assiette de l’ISF car la créance “est restée dans son patrimoine et qu’elle ne figure plus dans son patrimoine immédiatement réalisable”. La Cour de Cassation censure cet arrêt car elle estime la motivation contradictoire.